Le Royaume de l’Intérieur
Un espace apparaît alors, à l’intérieur de l’île, dont les entrées connues, essentiellement par le lit des rivières, nous parviennent à partir des rapports des chasseurs et nous amènent vers les îlets, là où les marons vivent dans des camps.
En parallèle, les termes utilisés par les marons, essentiellement d’origine malgache, dans leur langue maternelle désignent non seulement les accès aux camps, mais aussi les lieux de ravitaillement, les lieux sacrés ou relatifs à des systèmes de défense ou encore relatifs à la commémoration de grands chefs marons.
L’intérieur de l’île de La Réunion se révèle alors comme un véritable royaume, accessible aux seuls initiés (les marons) pour pouvoir s’orienter, se regrouper, se protéger des chasseurs et s’organiser dans une autre vie.
Le grand maronage n’est pas seulement une forme de résistance. C’est aussi le projet de recréer une société autonome et indépendante, en marge de la colonie et en s’appuyant sur des modèles ancestraux. À Bourbon, c’est un projet
de révolution politique et sociale qui s’organise pour établir un État libre : le Royaume de l’Intérieur par opposition au pouvoir officiel du littoral.
Mais la fin du grand maronage se profile dès lors que ce territoire se rétrécit proportionnellement avec l’extension des colons qui occupent de plus en plus les hauteurs de l’île. La contestation noire est étouffée sans disparaître.
Même si les documents communiquent peu sur le sujet, des groupes de marons persistent dans cette action jusqu’en 1848, représentés par des émissaires en face de Sarda Garriga annonçant l’abolition de l’esclavage dans le tableau d’Alphonse Garreau.