Le Code Noir

Chapitre 3 - approche historique / généalogie

Le «Code Noir» pour les îles de France et de Bourbon

Édit Royal de décembre 1723, signé par Louis XV
Applicables au début aux seules petites Antilles, les dispositions du Code Noir de 1685 seront ensuite étendues aux autres colonies etproclamées pour l’Ile de France (Maurice) et de Bourbon (La Réunion) en 1723. Publiées en 1723, les Lettres patentes arrivent à Bourbon l’année suivante. Elles sont enregistrées à Saint-Paul le 18 septembre 1724. Les cinquante-quatre articles définissent le statut juridique de l’esclave « voulons que les esclaves soient réputés meubles », ses devoirs envers son maître et la société mais indiquent également les obligations du maître. Le Code est amendé par plusieurs ordonnances et restera applicable jusqu’en 1848.


Les directeurs de la Compagnie des Indes nous ayans représenté que l’île Bourbon est considérablement établie par un grand nombre de nos sujets, lesquels se servent d’esclaves nègres pour la culture des terres ; que l’île de France, qui est proche de ladite île de Bourbon, commence aussi à s’établir, et qu’ils sont dans le dessein de faire encore de nouveaux établissements dans les pays circonvoisins, nous avons jugé qu’il était de notre autorité et de notre justice, pour la conservation de ces colonies, d’y établir une loi et des règles certaines pour y maintenir la discipline de l’église catholique, apostolique et romaine, et pour ordonner de ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves dans lesdites îles ; et désirant y pourvoir et faire connaître à nos sujets qui y sont habitués et qui s’y habitueront à l’avenir, qu’encore qu’ils habitent des climats infiniment éloignés, nous leur sommes toujours présent par l’étendue de notre puissance et par notre application à les secourir.

À ces causes et autres à ce nous mouvant, de l’avis de notre conseil, et de notre certaine science, pleine de puissance et autorité royale, nous avons dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui suit :


ARTICLE PREMIER.

Tous les esclaves qui se trouvent dans les Isles Bourbon, de France et autres établissements voisins, seront instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine, et baptisés ; ordonnons aux habitants qui achèteront des nègres nouvellement arrivés, de les faire instruire et baptiser dans le temps convenable à peine d’amende arbitraire ; enjoignons aux conseils établis dans lesdites îles, ou directeurs pour ladite compagnie d’y tenir exactement la main. […]

ART V.

Défendons à tous nos sujets blancs, de l’un et de l’autre sexe, de contracter mariage avec les Noirs, à peine de punition et d’amende arbitraire, et à tous curés, prêtes ou missionnaires séculiers ou réguliers, et même aux aumôniers des vaisseaux de les marier ! Défendons aussi à nos dits sujets blancs, même aux Noirs affranchis ou nés libres, de vivre en concubinage avec des esclaves ; voulons que ceux qui auront eu un ou plusieurs enfants d’une pareille conjonction, ensemble les maîtres qui les auront soufferts, soient condamnés chacun en une amende de trois cent livres ; et s’ils sont maîtres de l’esclave avec laquelle ils auront eu lesdits enfants, voulons qu’outre une amende ils soient privés tant de l’esclave que des enfants, et qu’ils soient adjugés à l’hôpital des lieux, sans pouvoir jamais être affranchis ; n’entendons toutefois le présent article avoir lieu lorsque l’homme noir affranchi ou libre, qui n’était pas marié durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes prescrites par l’église, ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les enfants rendus libres légitimes. […]

ART VIII.

Les enfants qui naîtront des mariages entre les esclaves, seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leurs maris, si les maris et les femmes ont des maîtres différents. […]

ART. XI.

Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive ni de gros bâtons, à peine du fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis, à l’exception seulement de ceux qui seront envoyés à la chasse par leurs maîtres, ou qui seront porteurs de leurs billets ou marques connues.

ART.XII.

Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres de s’attrouper, le jour ou la nuit, sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l’un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle qui ne pourra être moindre que du fouet et de la fleur-de-lys, et en cas de fréquentes récidives et d’autres circonstances aggravantes, pourront être punis de mort, ce que nous laissons à l’arbitrage des juges ; enjoignons à tous nos sujets de courre aux contrevenants, et de les arrêter et conduire en prison, bien qu’ils ne soient officiers et qu’il n’y ait encore contre lesdits contrevenant aucun décret. […]

ART. XVI.

Permettons à tous nos sujets, habitants desdits pays, de se saisir de toutes les choses dont ils trouveront les esclaves chargés, lorsqu’ils n’auront pas de billet de leurs maîtres, ni de marques connues, pour être rendues incessamment à leurs maîtres, si leur habitation est voisine du leu où les esclaves auront été surpris en délit ; sinon elles seront incessamment envoyées au magasin de la compagnie le plus proche pour y être en dépôt, jusqu’à ce que les maîtres en aient été avertis. […]

ART. XIX.

Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, pourront en donner avis au procureur général desdits conseils, procureur pour nous, et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels, et même d’office si les avis lui viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais ; ce que nous voulons être observé pour les crimes et pour les traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves. […]

ART. XXI.

Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres, et tout ce qui leur vient par leur industrie ou par la libéralité d’autres personnes ou autrement, à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine propriété à leurs maîtres, sans que les enfants des esclaves, leurs pères et mères, leurs parents ou tous autres, libres ou esclaves, y puissent rien prétendre par succession, dispositions entre-vifs ou à cause de mort, lesquelles dispositions nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et obligations qu’ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer et contracter de leur chef. […]

ART. XXXVIII.

Enjoignons aux officiers de justice dans lesdits pays, de procéder criminellement contre les maîtres et les commandeurs qui auront tué ou mutilé les membres des esclaves étant sous leur puissance ou sous leur direction, et de les punir de mort, selon les circonstances ; et en cas qu’il y ait lieu à l’absolution, leur permettons de renvoyer, tant les maîtres que les commandeurs, absous, sans qu’ils aient besoin d’obtenir de nous des lettres de grâce. […]

ART. XXXIX.

Voulons que les esclaves soient réputés meubles, et comme tels, qu’ils entrent dans la communauté, qu’il n’y ait point de suite par hypothèque sur eux ; qu’ils se partagent également entre les cohéritiers, sans réciput et droit d’aînesse, et qu’ils soient point sujet au douaire coutumier, ou retrait lignager et féodal, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort ou testamentaires.

Donné à Versailles, au mois de décembre, l’an de grâce 1723 et de notre règne
le 9. Signé Louis ; signé Phelypeaux. île Bourbon, le 18  septembre 1724.


Archives départementales de La Réunion, C° 940

Original

Archives départementales de La Réunion, C° 940

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